22.9.06

Chapitre 5 : Le coup du parapluie !

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Cher journal,

Aujourd’hui, et depuis bientôt six jours, il pleut. C’est « Ooamé », les dernières grosses précipitations marquant la fin de la saison des pluies. Bientôt, le soleil reviendra…

Ce matin, mon doux mari avait une lettre à poster. Quand je lui ai dit que je pouvais aller à la poste pour lui, il m’a répondu qu’il n’avait pas confiance en moi et que j’allais encore me tromper. Mais quand je lui ai dit « bonne route » il m’a répondu que je devais l’accompagner…
Mon mari n’est pas facile à comprendre. C’est peut être pour ça que je l’aime. Par contre, je ne sais pas pourquoi il dit que je me trompe tout le temps puisqu’il ne m’a jamais autorisée à y aller seule.
Kohei mon fils, pouvait décider de sortir pendant notre absence. Nous n’avons donc emporté qu’un seul parapluie sur les deux que nous possédons. Je ne le montrais pas, mais j’étais très heureuse de la situation ! Un seul parapluie pour deux… Mon doux mari et moi serions donc obligés de nous accoler l’un à l’autre sous cet abri de fortune, symbolisant l’amour qui nous unit et nous protège de ces trombes d’eau hostiles. Je me voyais déjà, le corps glacé par l’humidité de mes habits, me blottissant contre l’homme qui, le jour de notre rencontre, était ainsi venu à mon secours.


C’était il y a 20 ans, à la même époque. Un typhon sévissait non loin de la côte et les rafales de vent emportaient avec elles des embruns au goût de sel et dessinaient dans l’air gonflé par cette pluie battante des ondées volant au-dessus des toits. J’avais été prise au piège en rentrant de la ville à pied et m’était réfugiée dans une cabine téléponique. Je me croyais perdues quand un homme grand et élancé s’approcha et me pris sous son aile. Blottie contre lui sous son parapluie, il m’escorta jusqu’à ma demeure familiale. Six mois plus tard, il demandait ma main à mon père qui accepta, heureux de me voir partir avec un homme si bon.
Aujourd’hui, j’ai ressenti la même sensation que ce jour. Mes habits humides avaient refroidi tout mon corps et certes, l’homme qui tenait le parapluie avait pris quelques rides et sa silhouette s’était un peu arrondie, mais je savais qu’à l’intérieur rayonnait toujours l’esprit du sauveur de mes 20 ans.

Au même moment, nous croisions un couple d’étudiants. La fille traînait à la main son vélo, et le jeune homme tenait au-dessus de leurs têtes son parapluie, dont l’armature avait la forme d’une étoile, leur étoile... Peut-être elle aussi avait été sauvée des eaux par celui qui sera l’homme qu’elle aimera toute sa vie ? En toute discrétion, le garçon avait placé cette bonne étoile juste au-dessus de sa compagne pour la couvrir totalement, ignorant son épaule gauche qui se retrouvait ainsi exposée à l’averse. L’eau ruisselait le long de son bras, mais il souriait et faisait tout pour distraire la jeune fille innocente afin qu’elle ne remarque pas son sacrifice.

J’étais émerveillée, et je voyais mon mari les regarder fixement. Lui aussi avait remarqué le geste du jeune homme. Et dans un sentiment profond, j’ai ressenti cette union entre mon mari et moi ; cet amour qui malgré les années brillait toujours, éclairé par l’étoile de notre parapluie. Et dans cette communion des sens et des souvenirs, je me suis alors rapprochée de lui, passant un bras dans son dos et me blottissant contre son torse.

« Hoéé ! Qu’est-ce que tu fais là ? Lâche-moi, tu es toute trempée. Tu vas ruiner mon costume si tu continues ! »
Il m’a alors brusquement repoussée, m’écartant ainsi du centre de l’étoile et exposant mon épaule droite à la pluie. L’eau ruisselait le long de mon bras et le froid me faisait peu à peu perdre toute sensation.

Je comprenais mon mari, son costume valait cher. Mais en même temps, je voyais qu’il continuait de fixer le jeune couple. Peut-être avait-t-il des remords ? Peut-être était-ce là le moment de parler de ce couple, pour qu’il laisse aller ses sentiments et se sacrifie à son tour pour moi ?

Dernièrement, j’avais changé. J’avais osé. Alors il fallait que je continue, que j’ose lui parler et faire naître l’idée en lui d’imiter le jeune homme. Mais au moment où j’allais parler…
« Tu… » / « Ce… », avons-nous dit simultanément.

Il allait prendre l’initiative par lui-même…
« Je t’en prie, toi d’abord ! » lui dis-je. Et il me répondit :
« Ce gamin est vraiment stupide ! Son bras est complètement trempé, tu as vu ? Ils vont arriver complètement gelés. S’ils étaient moins bêtes, elle rentrerait rapidement avec son vélo et aurait le temps de se sécher et de préparer un bon thé chaud avant qu’il ne rentre… Tu allais dire quelque chose ? »


Je n’ai rien répondu. Il avait sans doute raison...
Son pragmatisme avait un peu assombri son esprit rêveur, mais je croyais encore à notre étoile et me dis qu’un jour, le soleil reviendrait…

Prochainement dans l'émancipation de Chihiro : LE KARAOKE.
"Mes amies et moi adorons des chansons d'amour !"
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